Vous n’y avez certainement pas échappé ! Vous avez forcément lu, vu, entendu quelque part, à la télé, dans les journaux, au cœur des innombrables conférences et récurrents sommets internationaux ce délicieux refrain sur le continent africain : l’Afrique le nouvel eldorado, la terre promise, l’avenir du monde.
Qui ne serait pas flatté de savoir qu’une telle unanimité désigne le continent aux 54 pays comme le biotope de toutes les futures innovations et le concentré planétaire de tous les espoirs. Qui ne serait pas émerveillé d’assimiler au milliard deux cent millions (1. 200.000.000) de ressortissants africains le titre de nouveaux conquérants du monde ?
Mais il ne suffit pas de le proclamer pour que l’Afrique devienne le centre de toutes les attractions internationales. Bien sûr, les professeurs de mauvaise foi en font prioritairement la terre des famines, des épidémies, des dictatures et des instabilités sociopolitiques. Ont-ils tort ? Que reste t-il de leurs sentences ultra-médiatisées nourries aux clichés éculés sur un continent supposé arriéré, aux élites globalement corrompues, à une jeunesse majoritairement désœuvrée vouée aux grands flots meurtriers de la méditerranée ?
Vision apocalyptique, vous avez dit ?
En réalité, le continent africain a toujours été l’eldorado des multinationales et des pays occidentaux qui ont su tirer bénéfices stratosphériques de ses ressources et richesses. En effet, l’Afrique a été avant, pendant et après la l’annexion par les puissances coloniales le relai de croissance économique des pays de l’Occident et dans une moindre mesure de l’Orient. Aujourd’hui, sans être radicalement bousculée, la donne a progressé et permet d’apprécier l’enthousiasme autour d’une terre longtemps stigmatisée. Le regain d’intérêt que connaissent aujourd’hui les nations africaines est dû à plusieurs facteurs structurels et conjoncturels : l’émergence d’une classe moyenne , l’ouverture plus accélérée au monde de l’image et de la communication, une meilleure appropriation des transitions digitales et numériques, des facteurs de stabilité politique et de croissance économique dans certains pays, la force des sociétés civiles et le rôle majeur des jeunesses et des femmes sans oublier l’implication de plus en plus affirmée des diasporas africaines dans le futur du continent-source.
Bien sûr, tout n’est pas idyllique : la pauvreté et les inégalités sont encore, par endroits, palpables et couvent des crises politiques. La corruption, la gabegie, le népotisme et la ploutocratie tiennent encore lieu parfois de systèmes politiques en Afrique Noire. Mais l’évolution contemporaine « post-indépendances » a rebattu les cartes, accélérant des pays en transition politique vers la consolidation d’acquis démocratiques. Depuis deux décennies au moins, plusieurs pays du continent, le Ghana, le Rwanda, le Botswana, l’Ethiopie, le Maroc, le Bénin ou encore le Sénégal figurent parmi les nations en constante évolution politique. Après les événements dits du « printemps arabe », la Tunisie par exemple retrouve des couleurs et engage, non sans difficultés, des réformes politiques et économiques. Le Maroc est devenu un partisan déterminé de la coopération sud-sud et milite plus que tout au renforcement de l’intégration africaine, après avoir quitté la défunte l’Organisation de l’Unité Africaine et retrouvé en janvier 2017 l’Union Africaine.
En définitive, le continent qui, de toutes les prévisions, comptera le double de sa population actuelle en 2050, passera à 2,5 milliards d’habitants et comptera le quart de la population mondiale. Ce boom démographique – qui en fera l’épicentre du monde- concentrera automatiquement plusieurs infrastructures modernes de la vie quotidienne à savoir les meilleures écoles et universités, les hôpitaux et systèmes de santé les plus côtés, les technologies innovantes les plus avancées, les conditions de vie et de travail plus confortables. A l’aune de ce tableau réaliste, l’Afrique et les Africains devront apprendre de leur passé et puiser dans celui-ci les ressources pour faire face à cette mutation. L’histoire du continent est peuplée d’illustres femmes et hommes qui ont toujours pensé l’Afrique comme le continent de l’avenir. Aujourd’hui, pour les générations X, Y et Z, l’Afrique doit incarner le présent avant d’en être l’avenir.
L’Afrique, les Africains et toutes celles et ceux qui s’intéressent doivent se nourrir des épopées glorieuses des pères des indépendances africaines tels que Jomo Kenyatta ( Kenya), Julius Nyerere ( Tanzanie) , Léopold Sédar Senghor ( Sénégal), Hubert Maga ( Bénin), Modibo Keita ( Mali), Ahmed Ben Bella ( Algérie) ou encore des figures historiques comme le nationaliste Patrice Lumumba ( Congo-Kinshasa), le charismatique Thomas Sankara ( Burkina-Faso) ou encore l’emblématique Nelson Mandela ( Afrique du Sud).
L’histoire de l’Afrique, c’est aussi et surtout l’histoire de vaillants résistants africains à la colonisation. Le Roi Béhanzin du Danxomé (actuel Bénin), l’Almany Samory Touré (Guinée), l’illustre Casamançaise Aline Sitoé Diatta et bien d’autres légendaires combattants en chef sont des sources d’inspiration pour les Africains, dans leur quête d’une identité puissante, de celle qui transmet des Fondateurs de l’Afrique aux Bâtisseurs du continent les clés de leur autodétermination et de leur développement intégral.
Nulle civilisation au monde ne s’est épanouie en niant sa propre histoire.
C’est à cette condition que l’Afrique retrouvera sa fierté, sans arrogance et naïveté, avec la noble idée que le berceau de l’humanité devra désormais conjuguer son destin avec les autres peuples du monde en toute harmonie et réalisme.
Régis HOUNKPE, analyste géopolitique est Directeur exécutif d’InterGlobe Conseils et éditorialiste politique internationale du magazine InAfrik
@RegisHounkpe