La diplomatie publique à l'œuvre
La diplomatie publique est une approche des relations internationales qui désigne la stratégie par laquelle, un Etat communique avec des publics étrangers pour promouvoir ses idées, ses valeurs et sa politique. Elle est un instrument important dans la mise en place d’une stratégie de puissance par l’image. Cette forme de diplomatie, permet aux Etats de soigner leur attractivité en s’adressant directement aux citoyens des autres pays.
Apparue dans les années 1960, elle se distingue de la diplomatie traditionnelle en visant non seulement les acteurs étatiques, mais aussi les populations étrangères. Le professeur Hans N. Tuch présente la diplomatie publique comme « un processus de communication gouvernementale avec des publics étrangers dans le but de leur apporter une compréhension des idées et idéaux du pays, de ses institutions et de sa culture, ainsi que des objectifs et politiques nationaux »[1]
Partant de ce postulat, il apparait évident que l'action de diplomatie publique d'un État va au-delà d'un simple intérêt pour les opinions publiques étrangères. La diplomatie publique participe à rendre meilleure la compréhension de l'État émetteur aux populations ciblées afin qu’elles participent comme elle peuvent au développement de la nation. Car lorsque les populations possèdent une meilleure connaissance d'un État, elles collaborent plus facilement avec lui et sont déterminées à se montrer favorables aux intérêts de cet Etat.
La notion de diplomatie publique est structurée en deux écoles distinctes à savoir, l’école dure et l’école souple. En raison des orientations diverses que chaque Etat souhaite donner à sa politique étrangère, les gouvernants choisissent l’école là mieux indiquée. L’école dure est une forme de diplomatie publique qui cherche à convaincre et influencer un public étranger. Elle s’emploie par les gouvernants pour défendre une position politique sur le court terme. Pour ce qui est de l’école souple, elle est axée sur la communication culturelle dans le but d’instituer une relation réciproque de compréhension culturelle à long terme à l’endroit des populations étrangères.
En observant les diverses communications dans l’espace public au Bénin, il est remarqué que les gouvernants s’emploient depuis plusieurs années à implémenter l’approche de la diplomatie publique de manière souple. Les différents projets et programmes entrant dans le cadre du rayonnement de la culture, inscrits sur l’agenda continu du gouvernement démontrent le fort attachement des acteurs politiques à user de la diplomatie culturelle pour faire de la destination Bénin, un pays très attractif.
L’exemple le plus prégnant est la récente manifestation organisée en janvier 2024 dans le pays lors des festivités du ‘’vodun days’’, qui a enregistré une importante mobilisation des populations étrangères, et en particulier des communautés afro-descendantes. A la suite de cet évènement d’envergure, d’autres initiatives visant à faciliter une intégration complète des peuples afro-descendants sur le continent africain s’observe.
Crédit photo Xinhua News, célébration des Vodun Days à Ouidah, 9.01.2024
Le Bénin s’ouvre au monde à travers l’adoption de la loi sur la naturalisation des afro descendants.
L’Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution 68/237 a définit la période de 2015 à 2024 comme décennie internationale ayant pour thème "Personnes d'ascendance africaine : reconnaissance, justice etdéveloppement ". L’adoption de cette résolution par l’ONU, fait suiteà la nécessité de renforcer les mesures et activités de coopération nationales, régionales et internationales pour garantir le plein exercice des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques des communautés afro-descendantes afin de leur permettre de bénéficier d’une pleine et égale participation au développement du continent africain.
La République du Bénin, grâce à sa proximité avec l’océan atlantique a été un acteur majeur lors de la période de la traite négrière sur le continent africain. Cette reconnaissance historiquement s’illustre encore aujourd’hui à travers les vestiges de la ‘‘porte du non-retour’’ qui est un monument érigé sur les plages de Ouidah, ville au sud du pays. Le célèbre musicien percussionniste béninois Sagbohan Danialou, dans son titre musical ‘’Commerce Triangulaire’’ rappelle que les enfants les plus valides du pays ont été arrachés au continent noir pour alimenter le commerce triangulaire avec la complicité des gouvernants de l’époque. Il apparait donc évident que la période de la traite négriere ait laissé de profondes blessures sur les sociétés africaines en général et sur les descendants des personnes déportées et esclavagisées en particulier.
Dans la dynamique de panser ces différentes blessures causées par la traite négrière, et contribuer également à aplanir tous les différends existentiels au sein des communautés afro-descendantes et le continent africain, les gouvernants béninois ont décidé de profiter de la fenêtre d’opportunité offerte par l’assemblée générale de l’ONU pour entreprendre des actions publiques visant à attribuer la nationalité béninoise aux afro-descendants.
Ainsi, à la suite du conseil des ministres tenu le mercredi 08 mai 2024, le gouvernement a décidé de transmettre à l’Assemblée nationale, pour examen et vote le projet de loi relative à la reconnaissance de la nationalité béninoise aux afro-descendants en république du Bénin. Le 30 juillet 2024, le parlement béninois après examen du projet, vote et adopte cette nouvelle disposition législative qui vient ouvrir la possibilité aux populations afro-descendantes de devenir citoyens béninois. Les conditions de jouissance de cette nationalité béninoise sont définies dans les articles de la loi pour faciliter son applicabilité.
Cette loi votée par le parlement béninois apparait comme une réponse forte à la quête d’identité à laquelle sont confrontés les afro-descendants depuis plusieurs années. Grâce à cet acte symbolique, la République du Benin se positionne davantage sur la carte du monde et peut challenger avec les grandes nations bénéficiant d’un fort taux d’attractivité sur leur territoire.
Au regard cette forme de diplomatie publique, la vision affichée du gouvernement béninois d’accueillir en moyenne deux-cent-mille touristes sur son territoire à l’horizon 2030 et faire du pays, une destination touristique majeure en Afrique de l’Ouest est en passe d’être concrétisée.
William DOSSOU, Chargé d’étude encommunication stratégique et analyse géopolitique
InterGlobe Conseils, Antenne de Porto-Novo, Bénin
[1] Hans N. Tuch, Communicating with the world : U.S. public diplomacy overseas,1990, St. Martin's press, New York, cité dans Jan Melissen (2005) « The new
public diplomacy : between theory and practice » dans Jan Melissen
Pour aller plus loin :
Notre cabinet a entamé en 2018 ce rapprochement entre les peuples afrodescendants en mettant en place un programme de coopération décentralisée avec trois communes liées par l'histoire et une communauté de destins. A l'initiative du dynamique maire de Goyave en Guadeloupe, Ferdy Louisy, nous avons travaillé à unir sur des projets de coopération mémoriale et d'investissements les communes de Goyave, d'Allada au Bénin ( la terre d'origine de Toussaint Louverture ) et l'Estère en Haiti.
Le Vice-Consul du Bénin, Narcisse Dagnon, représentant le maire d'Allada empêché ; le maire de Goyave Ferdy Louisy initiateur du projet de coopération " identité triangulaire " ; le maire de l'Estère en Haiti Sénèque Estimable à la signature du protocole tripartite.