Je commencerai par exprimer mon enthousiasme en entamant cette formidable aventure avec le magazine Katiopa qui est celle de dire, d’exprimer, de décrypter l’Afrique et les Afriques dans le pur réalisme qui soit, dans tous les scénarios possibles et rêvés, dans ses failles et incertitudes, dans ses potentiels et espérances.
Quand l’occasion m’a été donnée par le promoteur du magazine, Prince Bafouolo que je remercie, de contribuer aux pages et à la philosophie du magazine Katiopa afin de partager mes opinions sur l’Afrique qui se présente à nous tous, sur celle qui vient tout en nous appuyant sur celle qui fut, j’y ai répondu sans hésitation. Analyser et proposer une Afrique autrement, une Afrique différemment, une Afrique alternative pourrait relever d’une lubie de doux dingues ou d’exaltés insaisissables, bercés aux illusions néo-souverainistes et embrigadés dans les amalgames entre panafricanisme et rejet radical du monde qui se recroqueville à chaque mutation géopolitique.
Le sens de l’histoire nous autorise à projeter le continent et ses 54 pays dans l’idée que tout est faire et à refaire au moment où la guerre transperce les âmes et les corps à République démocratique du Congo et ou Goma nous rejoue le tour infernal de la balkanisation et son lot indicible de morts, de déplacés, d’enfants traumatisés, de femmes et filles violées, d’espoirs noyés dans le sang. Ce même sens nous rappelle que le Soudan vit une guerre fratricide au nom du pouvoir politique, celui de diriger ponctuellement aux destinées d’un pays, un pouvoir somme toute qui se révèle le plus temporel d’entre toutes lescharges humaines. Au Sahel, dans le Golfe de Guinée, en Afrique centrale, les coups de force militaires et les régimes inconstitutionnels signalent des dynamiques géopolitiques pensées, à tort, éculées. Et tout cela se fait au nom de l’exercice du pouvoir politique !
L’un des défis à connaître et à admettre pour les gouvernants africains, et plus précisément pour certains d’entre eux, est d’intégrer que le pouvoir est temporel et non éternel. Il s’exerce dans le temps et en son temps. Une lapalissade : aucun pouvoir, aussi grand et incommensurable, n’est éternel. Et c’est dans cet exercice lucide, presqu’enfantin, qu’il s’inscrit dans l’histoire.
De Kinshasa à Kigali, de Niamey à Abidjan, de Praia à Harare, de Porto-Novo à Tripoli, le pouvoir politique est temporel et ne marque les esprits qu’à son ingéniosité d’être au cœur des aspirations des peuples. Comprendre et saisir les ressorts du temporel et de l’éphémère dans l’exercice du pouvoir aurait tellement épargné aux pays africains et surtout à ceux qui figurent dans la cartographie désolante, des drames humains, des reculs politiques et démocratiques, des gouffres économiques, des réputations déplorables. Le monde dans lequel nous évoluons aujourd’hui et qui ne risque pas de muter en la matière dans les prochaines décennies est celui des instabilités politiques et géopolitiques, des démocraties illibérales, des antagonismes stratégiques entre grandes puissances, de la montée des extrémismes et des autoritarismes.
Que restera-t-il de ce tableau dans une Afrique déjà marquée à l’horizon par ce qui l’anesthésie dans son ascension ?
C’est l’heure de comprendre que le pouvoir, levéritable, celui qui résiste aux intempéries politiques et aux outrages du temps, est celui qui laisse des empreintes positives pour l’histoire, qui parle aux générations prochaines et futures, qui inspire, qui édifie et qui se perpétue à l’infini. En cela, l’influence des figures majeures en Afrique et dans le monde continuera de bénéficier d’une amplitude toujours plus renforcée et déterminante, non pas en raison de la longévité au pouvoir et de la capacité prédatrice à le conserver, mais définitivement grâce à l’impact et à l’empreinte immatérielle laissés tels de précieux legs.
Ce sera mon exhortation pour cette année et les prochaines en faveur des aspirants au leadership transformationnel, du nord au sud, à l’est et à l’ouest du continent africain.